29 juin 2013

Le Mur XV. La complainte de l'EPO


Tandis que de Porto Vecchio,
En Corse où il fait toujours beau,
S’est élancé le Tour de France,
Devant des spectateurs en transe,
Sous mes yeux pleure le ciel bistre
Au dessus de ce mur sinistre,
Et je pédale en ayant mal
Par ce temps d’été hivernal.
Comme ils sont beaux tous ces cyclistes
Admirés par les journalistes !
Ils sont gonflés à l’EPO,
C’est pour ça qu’ils montent si haut.
Moi qui n’ai pas de cocaïne
Je n’attends que mes endorphines.

13 juin 2013

Le Mur (XIV), sonnet du platane.



          Les arbres ont poussé pendant le mois de juin :
          Déjà je ne vois plus le magasin d’optique
          Ni du poulet hallal la miteuse boutique,
          Et ce platane-là, du bus quatre-vingt-un

          Cache l’abri de verre où l’attendent en vain
          Des usagers blasés, somnolents, léthargiques.
          Son vert amas feuillu qui se meut, élastique,
          Envoie des signes amicaux à l’écrivain,

          Atténue l’ordinaire tintouin du trafic,
          Le pin-pon des pompiers, la sirène des flics
          Et dissimule un peu de la laideur urbaine.

          J’attends impatiemment qu’il monte encore en graine,
          Lorgnant de mon vélo cet arbre qui, c’est sûr,
          Dans dix, quinze ou vingt ans me masquera le Mur !
EC. 

12 juin 2013

Le Mur (XIII) : les dix mots

Chaque année, les membres de la liste Oulipo jouent au jeu des dix mots organisé par le ministère de la culture et de la communication. Cette année les dix mots à caser dans un texte sont ; ambiancer, à tire-larigot, charivari, faribole, hurluberlu, ouf, s'enlivrer (néologisme signifiant s'enivrer de lecture), timbré, tohu-bohu, zigzag. En pédalant tout à l'heure, j'ai eu l'idée de les intégrer à un poème qui fait partie de ma série sur le vélo d'appartement intitulée « Le Mur », et que j'ai envoyé à la liste. Ils sont en lettres rouges dans le sonnet.


Mon vélo ne me permet pas trop de zigzags
À tire-larigot je pédale pourtant,
Mes yeux de ouf rivés sur ce mur débectant,
Dont je regrette qu’il soit dépourvu de tags.

Comme il serait plus doux de pouvoir s’enlivrer,
Vautré sur son plumard (avec des boules Quiesse
Pour le charivari qu’il y a dans la pièce)
Au lieu de suivre ce programme de timbré,
Faribole conçue par un hurluberlu,
Mon médecin traitant pour ne pas le nommer,
Lequel, peu satisfait de vouloir m’affamer,
Réduit mon existence à un tohu-bohu
Et prétend ambiancer ma vie, ma mort, mon ciel,
Par cet entraînement quotidien démentiel.
EC. 
NB : j'ai pris tohu-bohu dans son sens originel et biblique d'informe et vide, et non pas dans le sens de bruit assourdissant qu'il a pris par la suite. 

Fleurs et plumes

Plaque ornant la sépulture de Jules Caillaux, au cimetière de Belleville.
Photo prise par M. le 11 juin 2013. (Cliquer pour agrandir).

   M., qui visitait hier le cimetière de Belleville, tomba en arrêt devant une tombe, à cause de la dédicace inscrite sur une plaque de fonte art nouveau très travaillée dont elle s’ornait : 
« L’Assistance paternelle des fleurs et plumes à son bienfaiteur, Jules Caillaux, 1849 – 1916, chevalier de la Légion d’honneur, président de 1892 à 1916 ».
   À quel carnaval, à quelles Folies Bergère, à quel temple de la mode Belle Époque pouvait bien renvoyer cette inscription funéraire plutôt festive dont la légèreté florale et plumassière, à peine teintée d’un soupçon de paternalisme, contrastait si gaiement avec la gravité des lieux ?
   La réalité, trouvée grâce à Google sur le site des Presses de l’éducation, s'avère nettement moins gaie. Raccourcie pour des raisons de lisibilité ou d’économie, la raison sociale complète de l’association était en fait « Société pour l'assistance paternelle aux enfants employés dans les fabriques [puis industries] des fleurs et des plumes. Patronage industriel ». En effet les fabriques de fleurs artificielles et plumes de parure de l’époque employaient des enfants, des filles, à la confection des aigrettes, des chapeaux, des boas et des éventails des élégantes. 
   L'association patronnait quelques dizaines de ces enfants et veillait à leur moralité et à leur éducation. 
  On lira sur le sujet des « Articles de Paris » et plus particulièrement des fleurs artificielles, l'intéressant article de Claire Lemercier « "Articles de Paris", fabrique et institutions économiques à Paris au XIXe siècle.»
  Un autre article intitulé «Plume et mode à la Belle Époque» et signé Anne Monjaret, est paru dans la revue Techniques et culture. Il montre comment étaient utilisées les plumes des oiseaux exotiques et raconte les protestations que cette utilisation provoqua chez les amis... des bêtes !
  Il y avait aussi, apparemment, quelques amis des enfants, dont ce monsieur Jules Caillaux qui mérite pour cette raison sa plaque.