23 juillet 2012

Ode à la drosophile


Je veux chanter la drosophile
Et son génome séquencé.
Sur notre recherche avancée,
Ce beau diptère se profile.

La confiture, elle en raffole,
Elle aime bien les fruits pourris, 
Les jus et le vinaigre aussi.
On la dit holométabole.

Quand pullulant elle dérange,
On la surnomme « moucheron ».
Elle a des yeux rouge marron,
Ou rouge plus vif, presque orange.

L’espèce melanogaster
Est de loin la plus étudiée :
C’est la plus simple à élever
En biologie moléculaire.

Sa vie n’atteint pas trente jours,
Mais elle se reproduit vite.
Avec sa minuscule bite,
Elle satisfait ses amours.

À vingt-cinq degrés centigrades,
On obtient un adulte neuf
Onze à douze jours après l’œuf.
Pour elle alors ça se dégrade,

Car sans émotion, le chercheur
Tripatouille ses chromosomes,
Pour couronner de beaux diplômes
Une scientifique rigueur.

Sans gène, il va chercher les siens
Pour mieux analyser les nôtres.
Il les croise avec plusieurs autres,
Et voit ce que cela devient.

Par exemple, en mathématique,
On voit bien que leur mutation
En quarante générations,
Produit un effet bénéfique,

Et que si l’on est opiniâtre
En progressant dans le maquis
De leurs caractères acquis,
On les fait compter jusqu’à quatre.

Reste à comparer leurs génomes
Avec ceux de diptères cons.
Un jour on espère bien qu’on
Pourra appliquer ça à l’homme.

Elle a des gènes — quinze mille,
Et des chromosomes géants.
Pour tout ce qu’elle nous apprend,
Je veux chanter la drosophile.

EC. 23/07/2012

Cette ode m'a été inspirée par un article scientifique récent : 

20 juillet 2012

Le cirque


L’instituteur avait réfléchi longuement : il lui fallait mobiliser ses petits autour d’un projet concret réunissant des savoirs diversifiés.
Et soudain, son visage poupin surmonté de cheveux bouclés s’était illuminé. Il avait trouvé ! Son projet pédagogique, ce serait… le Cirque !
Quoi de plus motivant, quoi de plus concret, quoi de plus varié que le Cirque ? Avec enthousiasme, il avait réalisé le programme de l’année.
Les fauves, les chevaux, les illusionnistes, les acrobates, les jongleurs, les éléphants, les trapézistes, les clowns, bien sûr, les clowns.
Un travail passionnant sur le corps, les formes, les couleurs, qui serait couronné par une excursion de toute la classe dans un vrai cirque.
Tout se passa pour le mieux. Les gosses de la maternelle, enflammés par ce sujet et par cette perspective firent de spectaculaires progrès !
Les mamans attendries s’enorgueillirent des éléphants et des lions en pâte à sel et des beaux dessins que leur rapportait leur progéniture.
Aussi à la fin de l’année scolaire plusieurs se portèrent volontaires pour accompagner l’instituteur et sa classe au spectacle tant attendu.
Rayonnants de bonheur, les petits s’installèrent aux premiers rangs, l’instituteur et les mamans se répartirent çà et là pour les encadrer.
Le nez en l’air, ils assistèrent aux souples exploits des trapézistes. Ils poussèrent des oh et des ah devant les tours des illusionnistes.
Les éléphants les impressionnèrent, c’est gros, un éléphant. Et comme le costume du dompteur était beau, tout rouge avec des boutons dorés !
Vint enfin le tour des clowns : mais qu’il était drôle, ce clown musicien ! ses instruments de musique, c’était vraiment du n’importe quoi !
Allait-il arriver à tirer un son de ce tuyau ? On se moquait de lui. L’air fâché, il demanda à des spectateurs de le rejoindre pour essayer.
Parmi les spectateurs choisis, il y avait évidemment l’instituteur que le clown avait repéré avec ses boucles, ses lunettes et son air naïf.
Il lui fit signe de souffler dans le tuyau. Aucun son ne sortit et le clown prit l’air encore plus fâché. L’instituteur s’époumona, en vain.
Le clown alors sortit de son vaste manteau un énorme pistolet de clown en plastique, il saisit l’instit par le col et le traîna en coulisse.
On entendit alors Pan ! Pan ! puis un silence de mort. Et soudain, un long hurlement, né dans les premiers rangs, s’éleva sous le chapiteau.
C’était un hurlement aigu, épais, inextinguible, fait de vingt cinq petits hurlements de terreur mêlés de sanglots et de halètements humides.
Et les mamans affolées n’arrivaient pas à consoler les petits spectateurs de l’assassinat de leur maître. Sa résurrection même n’y put rien.
Et tout le cirque, consterné, fut malgré lui le témoin d’une grandiose déconfiture. Celle d’un ambitieux et intelligent projet pédagogique.
EC, 20 juillet 2012