29 janvier 2012

Shakespeare et le rêve hollandais

Hollande au Bourget dimanche dernier 22 janvier : 
Et je me permettrai de citer Shakespeare, qui rappelait cette loi pourtant universelle : Ils ont échoué parce qu'ils n'ont pas commencé par le rêve.
J'avais tilté :  je ne reconnaissais pas la citation, et puis je me suis dit que les conseillers en communication de Hollande, pour contrer le mauvais effet du «rêve français» censé réenchanter la France, avaient dû en hâte rechercher une citation allant dans le sens voulu, je supposais même qu'ils l'avaient fait dans Evene, site que j'utilise moi-même pour trouver des citations d'auteurs.

Libération, mercredi 25 janvier signalait :
[...] la phrase originale en anglais ne semble pas figurer dans Shakespeare. Grand ordonnateur de la nouvelle édition des œuvres complètes du dramaturge anglais dans la Pléiade, Jean-Michel Déprats dit n’y reconnaître a priori «aucun passage connu». D’ailleurs, si ladite «citation» est facile à trouver sur Google en français, il n’est presque jamais indiqué de quelle œuvre elle est tirée, ou, quand c’est le cas (Hamlet, le Songe d’une nuit d’été…), elle s’y révèle introuvable. Elle ne semble pas être non plus d’un autre Shakespeare, Nicholas, né en 1957, journaliste et romancier anglais, également auteur d’une biographie de Bruce Chatwin. Une absence de paternité qui n’enlève rien à la pertinence de la phrase, ni à la qualité du discours de Hollande. Mais qui souligne une fois de plus la fiabilité très relative des références sur Internet. La multiplication des occurrences (quelque 28 000 ici) n’étant que le reflet du fantastique effet pavlovien généré par la Toile.
Libération se trompait, elle était bien du Nicholas en question, romancier bien étonné d'être cité, et qui a lui-même reconnu la paternité de la chose.
Fillon ne pouvait pas laisser passer l'occasion :
«Tendez votre courage jusqu'au point héroïque et nous réussirons». Ça, c'est du Shakespeare, M. Hollande ! Mais du vrai ! William Shakespeare, et c'est dans Macbeth !
Mais Libération se trompait aussi sur un autre point : car la citation se trouve bien sur le Web, exactement là où j'avais imaginé qu'elle serait. Ici, Sur Evene, où pour la trouver, il suffisait de taper «rêve shakespeare».
Ma première intuition était donc la bonne. Pressés de trouver une justification au «rêve», les conseillers de Hollande ont cherché dans Evene, où ils ont trouvé non seulement la citation, mais aussi sa fausse attribution à William Shakespeare.

L'erreur — qui sera n'en doutons pas rapidement corrigée — venait donc d'Evene
Un peu de culture et un regard plus attentif auraient dû cependant alerter les communicants : «la vision d'Elena Silves» n'a jamais été de William. 

27 janvier 2012

Un quatrain par jour


Non, Facebook et Twitter ne sont pas les outils anticulturels, futiles — voire dangereux — que décrivent tant de non pratiquants : on y rencontre même des gens qui s'intéressent aux potentialités littéraires qu'ils permettent de révéler. Sur Twitter par exemple, on peut suivre les Saint Glinglin, Strofka Meop, Lirina Bloom, Kolia Delesalle, Centquarante et autres, poètes, nouvellistes ou humoristes, dans les passionnantes expérimentations que leur inspire la contrainte des 140 caractères. Sur Facebook, certains se regroupent sous la bannière des « Twittérateurs de Facebook ». Dans le groupe intitulé « Poème du matin, crachin », j'ai trouvé une émulation salutaire. C'est ainsi que depuis le 19 janvier, et j'espère pour longtemps, je me suis astreinte à écrire chaque matin en une dizaine de minutes un quatrain en alexandrins sur les thèmes d'actualité entendus à mon réveil (et à la radio). Je ne sais pas trop ce que j'en espère : peut-être une vision rétrospective un peu originale de l'année 2012, dans quelques mois. Il fut un temps où je récoltais les alexandrins blancs dans les titres de la presse, puis je les classais par rimes et j'en faisais des sonnets. Aujourd'hui, je préfère les fabriquer moi-même, c'est plus rigolo. Voici donc les premiers :

19 janvier
Le procès du Canard, une météorite
Qu'on retrouve au Maroc, les mots de Mélenchon,
Elle arrive aujourd'hui la gastro-entérite ;
Les nouvelles du jour, c'est pas très folichon.

20 janvier
Hollande sur un quai fait la bise à Joly ;
Magaupload fermé mais les hackers répliquent ;
Le Concordia bougeant, les choses se compliquent ;
On pourra boycotter les soutifs Lejaby.

21 janvier
Les marchés financiers sont un peu moins fringants ;
Nos Airbus gros porteurs ont des fissur' aux ailes ;
Les Experts du handball semblent manquer de zèle ;
Faut-il sortir nos troupes du bourbier afghan ?

22 janvier
Gingrich surprend son monde en gagnant sa primaire ;
Hollande se prépare à parler au Bourget ;
Le Costa Concordia continue de bouger ;
Les frères musulmans feront la fête au Caire.

23 janvier
Le discours hollandais n’est pas sans parangon,
Le Sénat se prononce sur le génocide,
À Boulogne madame Chatel se suicide,
Nous entrons aujourd’hui dans l’année du dragon.

24 janvier
Le voyageur du temps s’appelle Hervé Morin,
Des cuves du Costa on pompe le pétrole
Mais celui de l’Iran passe à la casserole.
Au milieu de tout ça Sarko se dit serein.

25 janvier
Nicolas Sarkozy nous fait un canular,
Un cadavre est trouvé dans des tuyaux bancaires,
Le discours d’Obama vise les millionnaires,
The Artist est nommé dix fois pour les Oscars.

26 janvier
Nadal et Federer sont en demi-finale,
L’homme aux prothèses Pip est mis sous les verrous,
Rama Yade envisage de rallier Bayrou,
Le chômage poursuit son infinie spirale.

27 janvier
Au centre de Rio trois immeubles s’effondrent ;
On y cherche toujours d’éventuels rescapés.
Hollande est arrogant selon Alain Juppé,
Droit dans ses bottes, lui. Il ne faut pas confondre.

Mise à jour du 2 février : désormais le quatrain du jour sera visible sur lequatrainquotidien.

07 janvier 2012

La meilleure galette


Le total de graisse = la galette des rois

D’après les précédents gagnants du concours de la meilleure galette aux amandes, cette distinction permet au vainqueur de « multiplier son chiffre d’affaires par quatre ».  Cela s’explique, car les amateurs, bien renseignés, se précipitent chez lui en bataillons serrés, quitte à prendre un ptit bout dpapier avec un numéro dssus, comme à la Sécu. Je me souviendrai toujours de la gloire de notre noble voisin et pâtissier Cochet — hélas remplacé depuis par un triste fabricant de baguettes au plâtre et de makrouts à l’huile rance — lorsqu’il remporta la fabuleuse médaille. On se battait pour sa galette !  Quand ce fut le tour d’une pâtisserie de la rue du Bac, il me fallut faire la queue derrière des dizaines de personnes qui salivaient si bien que le trottoir ruisselait. 
Aussi, ce samedi 7 janvier, lorsque le miroir magique de Google nous indiqua où se vendait  la meilleure galette, nous marchâmes d’un pied allègre et plein d’espérance, N. et moi, vers Miromesnil, bien décidées à absorber «le total de graisse» qui se trouverait contenu anagrammatiquement et physiquement dans «la galette des rois» du lauréat 2012.
La couronne du Roidec, détail
La boutique de ce monsieur se trouvait bien à l’endroit indiqué et sa vitrine arborait avec ostentation l'image fraîchement peinte d’une couronne de lauriers, encerclant le gigantesque « N° 1 » qui témoignait de son récent triomphe, mais… il y avait un mais : elle était fermée ! Oui, fermée. Renseignées par l’aimable tenancière du bistrot d’en face, nous apprîmes, et d’une, que ce commerçant n’ouvrait que du lundi au vendredi, et de deux, que nous n’étions pas les seules depuis ce matin à nous heurter à son mur.
Quoi ! C'est donc ça, le marketing à la française ? À la demande de milliers de consommateurs enthousiastes, prêts à vous mettre sur un piédestal et à vous encenser, vous répondez par le mépris ? Là où n'importe quel boulanger américain (si, si, il y en a) aurait créé un événement Facebook, convoqué la presse, annoncé l'ouverture exceptionnelle le week-end et jusqu'à 22 h, installé sur son trottoir des cordons rouges sur des piliers dorés pour organiser la queue de façon rationnelle, vous fermez boutique et vous partez dans votre campagne avec bobonne et les gamins, comme d'habitude?
Très bien monsieur. Il ne nous fallut pas longtemps, grâce au Samsung de N., pour trouver le nom et l'adresse de votre challenger, qui se trouve rue Jean-Pierre Timbaud dans le 11e. Nous découvrîmes au numéro 38 une toute petite boutique, qui sentait bon à l'intérieur, où nous fûmes servies par une avenante personne à laquelle nous contâmes toute l'histoire. «Ça alors, nous dit-elle tout étonnée : c'est pourtant pas en mars qu'il va les vendre, ses galettes» !
Je ne connaîtrai jamais le goût de la galette Miromesnil. Mais celle d'Oberkampf, alors là ! Sublime !
Et N. a eu la fève.