21 février 2009

Alexandrins

En faisant ma moisson quotidienne d'alexandrins dans les titres de journaux, je suis tombée sur un cas assez rare : un titre formé de deux alexandrins. Il est tiré du Figaro de ce week-end, page 10, le voici :
Le procès Colonna va reprendre lundi
mais reste à la merci d'un nouvel incident

15 février 2009

Vision

Battant doucement de ses ailes noires et blanches siglées Adidas, il volette avec grâce à quelques mètres de sa cage toujours ouverte. C’est l’ange gardien de but.

06 février 2009

Cherchez la p'tite bête à l'Oulipo


Cherchez la p'tite bête ! C'était le thème du dernier Jeudi de l'Oulipo, avec (de gauche à droite) Hervé le Tellier, Marcel Bénabou, Jacques Roubaud, Michelle Grangaud, Frédéric Forte et Olivier Salon.
L'occasion de découvrir les délicieux Rondeaux animaliers de Jacques Roubaud, qui viennent de paraître chez Gallimard Jeunesse (dans la collection Folio cadet classique 3). À lire dès 7 ans pour apprendre à aimer la poésie, et à relire bien plus tard. Je suis ravie que quelqu'un —et pas n'importe qui— s'intéresse aux rondeaux, je ne suis plus seule!
Autre découverte, les Poèmes isolés de Frédéric Forte, (Je les ai commandés : 3 euros aux Éditions du soir au matin, 936 chemin de Lézene, 31330 Merville, plus 0,55 euro pour les frais de port) dont il a lu quelques extraits et qui me paraissent à vue de nez très originaux.
Le reste on connaissait : les "sardinosaures" de Salon et Roubaud, les copulations d'insectes de le Tellier... mais c'est toujours drôle à écouter. Michelle Grangaud a exécuté une variation myrmidone très enlevée sur un thème fournelien connu, et Marcel Bénabou, ayant eu l'idée de féminiser les noms d'animaux dans les expressions du langage cuit, s'est fort heureusement arrêté à lapine.
Au dîner de la pizzeria habituelle, il y avait foule : un traducteur de Perec et deux facebookiens s'étaient joints à notre groupe, tandis que toute une partie de la salle était occupée par Hélène et ses élèves, qu'accompagnaient Olivier Salon et Frédéric Forte.

05 février 2009

Journée Queneau du 31 janvier 2009 (après-midi)

Je reprends ici mon compte-rendu de la 11e journée Queneau, commencé ce matin.

C'est à notre tour ! Nous, c'est à dire un duo de journalistes, formé de François Naudin (association des Amis de Valentin Brû), et de moi-même, très intimidée devant ce parterre d'universitaires distinglés.
Notre sujet est «Zazie entre quat'zyeux [à propos de la bande dessinée de Clément Oubrerie]». François l'introduit en rappelant le contexte historique, le succès populaire du roman Zazie dans le métro et les différentes analyses qu'il a pu inspirer : Zazie comme figure de Jésus Christ, comme décalque d’Alice au pays des merveilles ou comme contrepoint à Ubu Roi ; j'enchaîne avec une présentation illustrée des différentes éditions et adaptations de Zazie, depuis Siné, Carelman et Louis Malle jusqu'à Catherine Meurisse (dernière édition en date) en passant par Roger Blachon, Clément Oubrerie (adaptation en BD) et la désastreuse édition «folio plus classique» de 2006 (désastreuse à cause de sa couverture qui n'a strictement rien à voir avec le titre).
Nous nous focalisons ensuite sur la BD. François passe en revue les invraisemblances qu'il a repérées dans la représentation du Paris de 1958 : Paris était noir de pollution, les monuments étaient sales, ici tout est beau et propre. Les taximètres étaient à l'extérieur des taxis, pas à l'intérieur, le flic a un passepoil rouge sur le pantalon, comme les douaniers, etc. Il s'étonne que le dessinateur fasse partir et arriver Zazie de la gare du Nord au lieu de celle d'Austerlitz, ce qui rend incompréhensible certains passages concernant le métro, aérien ou non. À propos de métro, pourquoi avoir choisi comme illustration des pages de garde la station Abbesses qui est un faux caractérisé ? Pourquoi avoir escamoté la grille du métro en grève, ce qui rend les pleurs de Zazie incompréhensibles ? Et pourquoi avoir choisi de représenter Marceline comme une jeune femme black ? À l'époque, c'était invraisemblable, et la simple vision d'un couple mixte aurait focalisé toutes les questions de Zazie et des autres. Il termine en remarquant que le texte a été expurgé des expressions comprenant le mot «merde», mais que la clausule «mon cul» subsiste, sans doute devenue convenable.
J'enchaîne en reprenant de façon plus détaillée mon compte-rendu dans la revue des AVB. En comparant attentivement le texte original et celui de la BD, j'ai remarqué des coupures qui ne doivent pas toutes au travail d'adaptation nécessaire (coupures des descriptions, des «didascalies», des mots trop savants ou trop obsolètes etc.) : il y a en effet des coupures qui concernent ce qui fait tout le sel du roman, c'est à dire l'ambiguïté sexuelle des personnages. C'est ainsi que passent à la trappe toutes les allusions à un Gabriel trop tantouse : le mouchoir mauve très connoté dont il se tamponne le tarin, son évanouissement de fillette chez Turandot, sa peau douce, son épilation du menton, sa façon de baisser modestement les yeux ou de se trémousser quand on lui tape sur la cuisse, son rougissement aux blagues allusives. Des passages entiers disparaissent ainsi :
«vous allez pas nier que c’est parce que la mère vous considère comme une tante qu’elle vous a confié l’enfant ; et Gabriel devait bien le reconnaître Iadssa, iadssa, qu’il concédait»
ou le fameux
«il paraît qu'avec lui je n'ai rien à craindre»
dont l'escamotage rend incompréhensible le dialogue Zazie/Pedro Surplus dans les deux cases du bas de la page 21.
Toute allusion à une Marceline elle aussi ambiguë disparaît de même, et notamment toutes les allusions de Gabriel au fait que Marceline ne sort pas sans lui, ne porte pas de bloudjinnzes, etc. Et plus aucune trace de la scène très hot de séduction réciproque entre Mado ptits pieds et Marceline...
Je poursuis en me demandant ce qui reste du roman après ce lissage et ces coupures (Clément Oubrerie a «coupé ce qui dépassait», dit-il lui-même dans le dernier numéro des AVB en réponse à ma critique).
Et je termine en citant Queneau :
Le succès de Zazie a été un choc qu’il m’a été difficile de supporter. Je disais en ne me disant pas, seulement pour les happy few, je disais et voilà que la foule s’écrie « j’ai compris » même si c’est faux ; c’est impressionnant.

Journée Queneau du 31 janvier 2009 (matin)


La 11e journée Queneau s'est tenue à l'Université de Paris III samedi dernier de 9 h 30 à 17 h. Il est un peu tard pour en faire le compte-rendu mais cela vaut mieux que de ne pas en parler du tout !
Après une introduction par Daniel Delbreil, (à droite sur la photo) professeur à Paris III et spécialiste de Queneau, et quelques actualités d'édition présentées par Bertrand Tassou, secrétaire de l'association des Amis de Valentin Brû, Anne-Sophie Bories, qui fait une thèse sur la versification de Queneau, est intervenue sur son «art poétique» à travers le recueil l'Instant fatal : l'aspect intéressant de son travail est la constitution d'une base de données lui permettant de faire des statistiques sur les différents types de vers, de groupes de vers et de rimes utilisés par Queneau. Éric Beaumatin, linguiste, perecquien, professeur à Paris III, émit le souhait de voir élargir cette recherche à la poésie rythmique chez Queneau, et Véronique Montemont, «roubaldienne» de l'université de Nancy, celui de voir replacer l'art poétique de Queneau dans un contexte plus large que celui de l'Instant fatal et d'appuyer l'ensemble sur une référence en terme de métrique. Puis ce fut le tour de Laurent Fourcault, spécialiste de Giono, sur le thème de «Quelle poésie de la ville dans Courir les rues». Son intervention a d'abord souligné la récurrence du motif de la tranformation de la ville dans ce recueil de 154 poèmes, qu'il qualifie de «conservatoire», puis s'est concentrée sur la présence sous-jacente de la mère à travers une interprétation psychanalytique du métro et de ses bouches. Pour terminer la matinée, Camille Bloomfield, de Paris VIII, (à la droite de Daniel Delbreil sur la photo) nous a donné un passionnant aperçu de son travail sur les archives de l'Oulipo dans son intervention «Un Oulipo potentiel: quand Queneau corrige Bens»: Quel message Queneau a-t-il voulu donner de l'Oulipo à la postérité en censurant les comptes-rendus de séances de Jacques Bens ? Car ses corrections ne sont pas uniquement celle de l'excellent éditeur qu'il était : elles semblent témoigner du souci de Queneau de ne pas voir assimiler l'Oulipo à une bande de rigolos aimant la bonne bouffe et l'alcool, réputation qui lui a tout de même collé à la peau puisque Jacques Bens a publié son ouvrage sans tenir compte de ces corrections, après la mort de Queneau. Claude Debon, (au 1er plan sur la photo) professeure émérite à Paris III, qui a établi l'édition de Queneau dans la Pléiade, rebondit sur cette question en rappelant que Queneau avait arrêté de boire (ce qui le rendait moins drôle) et avait pris quelque distance avec le Collège de 'Pataphysique. Les comptes rendus de Bens montrent en tout cas un certain agacement de Queneau par rapport à Latis. Au déjeuner j'ai demandé à Claude Debon si ce n'était pas aussi à cause de l'homosexualité de Latis, ce qu'elle n'exclut pas. J'en ai parlé le lendemain à Alain Chevrier qui m'a cité de mémoire un mot de Queneau parlant du Collège comme «un nid de tantes».
La suite (l'après-midi) dans un prochain post !